La plupart des baux commerciaux contiennent une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du bail en cas de manquement du locataire à une de ses obligations : défaut d’entretien des locaux, interdiction de faire des travaux modifiant la structure des locaux loués, interdiction de modifier la devanture du local, interdiction d’installer un système de climatisation, etc. Or, en cas de cession d’un fonds de commerce, il peut arriver que l’acquéreur soit confronté à une action du bailleur lui demandant de remettre les lieux dans leur état d’origine ou d’effectuer des travaux d’entretien, alors même que la modification ou les dégradations ont été faites par le cédant du fonds de commerce. Dans ce cas, l’acquéreur peut-il refuser de faire les travaux demandés ?
La cession d’un fonds de commerce est libre, c’est-à-dire que le Bailleur ne peut pas s’y opposer.
Or, certains bailleurs confrontés à une cession de fonds de commerce qui leur est imposée, et mécontents de ne pas avoir pu choisir leur nouveau locataire, cherchent à résilier le bail en cours en invoquant des manquements du cédant du fonds de commerce, antérieurs à la cession. C’est ainsi que certains bailleurs font délivrer à l’acquéreur d’un fonds de commerce un « commandement d’avoir à remettre les lieux dans leur état d’origine » ou une « mise en demeure d’avoir à respecter les conditions du bail », par un huissier de justice.
La question se pose donc de savoir si l’acquéreur d’un fonds de commerce est responsable des dégradations et des manquements commis par le vendeur du fonds de commerce, et s’il doit, en conséquence, prendre à sa charge les travaux de remise en état d’origine (suppression d’une salle de bain ou de WC, par exemple).
En principe, l’acquéreur d’un fonds de commerce n’est pas responsable des manquements au bail qui auraient un caractère exclusivement personnel de la part du cédant. C’est le cas par exemple en cas de défaut ou retards de paiement de loyers) ou en cas de paiement de loyers par chèque sans provision avant la cession (Cass. 3e civ., 20 déc. 1977, no76-13.255). De même, l’acquéreur d’un fonds de commerce ne sera pas responsable des dégradations antérieures à sa prise de possession, si ces dégradations avaient été constatées par le bailleur avant la cession de fonds de commerce. La Cour de cassation a pu juger par exemple que « l’état actuel de vétusté de l’appartement avait été constaté avant que la société X eût pris possession des lieux et que les dégradations en cause ne pouvaient dès lors lui être imputées » (Cass. 3e civ., 30 juin 2010, no 09-13.754). Dans ces cas, le bailleur ne pourra pas demander à l’acquéreur du fonds de commerce de prendre en charge le défaut de paiement ou les frais de remise en état du local.
Cela est différent cependant si l’infraction invoquée est une infraction continue, par exemple en cas de modification non autorisée des lieux par le cédant du fonds de commerce (par exemple : création d’une salle de bain, dépose d’une cloison, dépose d’une cheminée, création d’une cloison séparative, pose d’un faux plafond, etc.). Dans ce cas, l’acquéreur d’un fonds de commerce peut être tenu des fautes et manquements aux clauses et conditions du bail imputables au cédant en cas de persistance de ces manquements contractuels.
Ainsi, dans une affaire soumise à l’appréciation de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 8 oct. 2015, no 14-13.179, P+B), le bailleur avait fait délivrer à l’acquéreur d’un fonds de commerce un commandement d’avoir à remettre les lieux dans leur état d’origine, alors que les modifications litigieuses avaient été faites par le cédant. Devant le refus de l’acquéreur du fonds de commerce de faire les travaux de remise en état, le bailleur a demandé la résiliation du bail sans indemnité par le jeu de la clause résolutoire. L’affaire avait d’abord été portée devant la cour d’appel, qui avait jugé que « le cessionnaire du bail ne [peut] être tenu des fautes et manquements aux clauses et conditions du bail dont il n’est pas l’auteur ». Elle estimait ainsi que la transformation des locaux n’était pas imputable à l’acquéreur du fonds de commerce, et ne pouvait pas être retenue pour actionner la clause résolutoire.
La Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel, en jugeant que l’acquéreur du fonds de commerce aurait dû mettre un terme à la persistance des manquements contractuels. En d’autres termes, l’acquéreur du fonds de commerce est tenu de faire cesser les manquements au bail commercial, et doit par conséquent remettre les lieux dans leur état d’origine, tels qu’ils sont désignés dans le bail.
Il est donc très important, lors de l’acquisition d’un fonds de commerce, d’étudier avec précision le bail commercial, les plans du local, ainsi que le règlement de copropriété, les diagnostics obligatoires et l’état descriptif de division du local.
En effet, s’il existe une différence entre la description du local cédé tel qu’il figure dans le bail commercial, et tel qu’il existe au jour de la vente, l’acquéreur du fonds de commerce pourra être tenu de remettre en état les locaux dans leur état d’origine, à ses frais, sous peine de résiliation du bail.
De même, en cas d’acquisition d’un fonds de commerce dont le local nécessite des travaux de remise en état, il est impératif de faire une estimation financière des travaux et de les faire autoriser par le bailleur, avant la signature de l’acte définitif. A défaut, l’acquéreur du fonds de commerce prend le risque d’un contentieux avec son bailleur, portant sur la nature des travaux et leur coût.
Enfin, si des travaux de modification ou d’amélioration sont envisagés par l’acquéreur d’un fonds de commerce après l’entrée dans les lieux, il est indispensable de les porter à la connaissance du bailleur dans une promesse de cession de fonds de commerce. Cette formalité évitera par la suite un contentieux, long et coûteux, qui est de nature à retarder le lancement du projet.