Pourquoi la clause de destination est devenue une clause centrale du bail commercial ?
Dans la pratique du bail commercial, la clause de destination s’est progressivement imposée comme un pilier contractuel. Elle n’est pas qu’un simple élément de forme : elle conditionne directement les droits et obligations du preneur, encadre les possibilités de changement d’activité et impacte la fixation du loyer, notamment lors du renouvellement.
L’importance de cette clause tient à l’article 1728 du Code civil, selon lequel le preneur est tenu d’user de la chose louée conformément à la destination qui lui a été donnée par le bail, ou, à défaut, selon celle présumée d’après les circonstances. La clause de destination traduit ainsi l’accord des parties sur l’usage autorisé des locaux.
Une clause aux implications contractuelles, statutaires et financières fortes
La destination des locaux est juridiquement contractuelle : sauf stipulation contraire ou déspécialisation validée, elle ne peut être modifiée unilatéralement. L’article 1193 du Code civil rappelle qu’un contrat ne peut être modifié qu’avec le consentement mutuel des parties.
Le non-respect de cette clause est lourdement sanctionné : le bailleur peut demander la résiliation du bail, ou refuser son renouvellement sans indemnité d’éviction. À l’inverse, le bailleur pourrait également engager sa responsabilité s’il ne permet pas une jouissance conforme à la destination convenue.
Quels types de clauses de destination peut-on rencontrer ?
1. La destination précise
Elle énumère de manière exhaustive les activités autorisées : par exemple, « vente de prêt-à-porter féminin et accessoires ». Ce type de clause permet au bailleur de contrôler strictement l’usage des locaux, mais expose aussi le locataire à un risque de contentieux en cas d’activité marginale ou complémentaire non visée.
2. La destination large ou “tous commerces”
Elle autorise l’exploitation de toutes activités commerciales licites, sauf exclusions. Si elle offre une grande liberté au locataire, elle peut générer des conséquences inattendues pour le bailleur : obligation d’adaptation des locaux à une nouvelle activité, troubles de voisinage ou conflits de concurrence avec d’autres locataires.
🔎 Attention : même en cas de clause “tous commerces”, certaines clauses restrictives peuvent subsister, notamment les clauses de non-concurrence ou les limites imposées par le règlement de copropriété.
Clause de destination et déspécialisation : ne pas confondre
Il convient de distinguer la modification d’activité dans le cadre d’une clause large et la procédure de déspécialisation, prévue aux articles L. 145-47 et suivants du Code de commerce. Cette dernière suppose une autorisation judiciaire ou l’accord du bailleur et peut conduire à un déplafonnement du loyer.
La jurisprudence admet que certaines activités complémentaires puissent être “incluses” dans la destination initiale, sans formalisme particulier. Mais ce mécanisme d’inclusion, fondé sur une lecture souple de la clause, comporte des incertitudes : tout dépendra de l’interprétation souveraine du juge.
Enjeux financiers : clause de destination et fixation du loyer
Le périmètre d’activités autorisé peut influencer :
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La valeur locative du bail renouvelé ;
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Le droit au renouvellement (notamment si l’activité n’a pas été effectivement exercée pendant les trois années précédant l’expiration du bail – art. L. 145-8 C. com.) ;
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La possibilité de céder le bail ou le fonds à un cessionnaire exerçant une activité différente.
Plus la clause est ouverte, plus elle valorise le droit au bail, ce qui peut se traduire par un loyer plus élevé au départ, ou à l’occasion d’un renouvellement.
Clauses de destination et obligation de délivrance du bailleur
Le bailleur est tenu de délivrer un local conforme à la destination prévue. À défaut, il engage sa responsabilité, notamment si :
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Les locaux ne sont pas adaptés à l’usage stipulé (ex : absence d’extraction pour une activité de restauration) ;
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Il manque une autorisation administrative indispensable à l’exercice de l’activité prévue (ex : changement d’usage non obtenu).
Le bailleur ne peut faire supporter au preneur les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux avec leur destination, sauf clause contraire explicite.
Clauses mixtes : commerce et habitation
Lorsque le bail autorise un usage mixte (commerce et habitation), la situation est complexe. Si les locaux sont indivisibles, l’ensemble du bail relève du statut des baux commerciaux. Cela reste vrai même si l’habitation devient l’usage principal (Cass. 3e civ., 7 juill. 1993, n°91-21.025).
Cependant, dès lors que l’habitation constitue la résidence principale du preneur, le bailleur peut être tenu de délivrer un logement décent, sans que les règles du bail d’habitation ne s’appliquent au reste du contrat.
Clauses de destination et clauses de non-concurrence
Une clause de destination large peut être neutralisée par une clause de non-concurrence stipulée ailleurs dans le bail, parfois de manière peu visible. Ces clauses sont valables si elles :
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Sont proportionnées (limitées dans le temps et l’espace) ;
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Ne créent pas une inégalité injustifiée entre locataires.
Il est donc essentiel d’assurer une cohérence rédactionnelle entre toutes les stipulations du bail.
Que retenir pour sécuriser la clause de destination ?
✅ Pour le bailleur :
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Définir avec précision les activités autorisées pour éviter les dérives ;
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S’assurer que les locaux sont compatibles avec la destination ;
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Prévoir les exclusions clairement (activités incommodantes, nuisibles, etc.).
✅ Pour le preneur :
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Négocier une clause suffisamment souple pour anticiper l’évolution de son activité ;
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Veiller à la cohérence avec les autres clauses du bail (non-concurrence, règlement de copropriété) ;
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S’assurer de la faisabilité administrative et technique de l’exploitation envisagée.
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