Par Negotium Avocats – Avocats en droit commercial et immobilier à Paris
📅 Mise à jour : juin 2025
📚 Référence : Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 22-15.923, publié au Bulletin
🔎 Résumé :
Dans un arrêt du 6 juillet 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que l’exception d’inexécution, invoquée par un preneur à bail commercial, ne peut être admise qu’à la condition que le manquement du bailleur ait rendu les locaux impropres à l’usage auquel ils étaient destinés. Elle casse l’arrêt d’appel pour avoir omis cette vérification essentielle.
⚖️ 1. L’obligation de délivrance : un devoir fondamental du bailleur
L’article 1719 du Code civil impose au bailleur, de manière impérative, de délivrer au preneur un bien en état de servir à l’usage pour lequel il a été loué. Cette obligation est également rappelée à l’article 1720, selon lequel le bailleur doit assurer un bien en bon état de réparation de toute espèce. En matière de bail commercial, cette obligation est d’autant plus critique qu’elle conditionne directement l’exploitation effective du fonds de commerce par le locataire.
Un manquement à cette obligation peut justifier des sanctions contractuelles, dont l’exception d’inexécution : le locataire suspend alors le paiement de ses loyers jusqu’à ce que le bailleur remplisse son obligation de délivrance. Mais encore faut-il que les conditions de cette exception soient strictement réunies.
🧾 2. L’affaire jugée le 6 juillet 2023 : rappels factuels
Dans cette affaire, une SCI bailleresse avait donné à bail un local commercial à compter du 1er mars 2002, complété par un avenant portant sur deux vitrines à affichage publicitaire. Invoquant des manquements du preneur, elle engage une action en résiliation du bail, expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.
En défense, la locataire invoque l’exception d’inexécution, justifiée selon elle par des infiltrations persistantes dans les locaux et l’absence de travaux sur le clos et le couvert, rendant les locaux impropres à leur usage commercial. Elle sollicite également la consignation des loyers.
Les juges du fond admettent l’exception d’inexécution au motif que le manquement du bailleur à une obligation essentielle justifiait cette suspension, et ce « peu important que l’exploitation des lieux ne soit pas totalement impossible ».
📉 3. La censure de la Cour de cassation : exigence d’un lien direct entre le manquement et l’usage des lieux
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale, rappelant que l’exception d’inexécution ne peut être admise que si le manquement du bailleur rend les locaux loués impropres à l’usage auquel ils sont destinés.
🔎 Extrait clé :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher […] si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
Ainsi, il ne suffit pas que le bailleur ait manqué à une obligation qualifiée « d’essentielle » ; encore faut-il démontrer que ce manquement empêche concrètement le preneur d’exploiter les locaux conformément à la destination contractuelle.
📚 4. Exception d’inexécution : un mécanisme encadré en droit des baux commerciaux
L’exception d’inexécution, désormais codifiée à l’article 1219 du Code civil depuis l’ordonnance de 2016, suppose une inexécution grave de l’une des obligations contractuelles.
Appliquée au bail commercial, elle permet au locataire :
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De suspendre le paiement du loyer en cas de manquement grave du bailleur (généralement à l’obligation de délivrance ou de jouissance paisible) ;
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À condition que ce manquement ait pour conséquence une impossibilité ou une difficulté majeure d’exploitation du local ;
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Et que cette suspension soit proportionnée à la gravité de l’inexécution.
⚠️ Attention : La seule gêne ou difficulté d’exploitation ne suffit pas. Il faut prouver un impact substantiel sur la jouissance ou l’activité commerciale.
📌 5. Quelle stratégie pour le preneur confronté à un manquement du bailleur ?
Le preneur ne peut invoquer l’exception d’inexécution à la légère. S’il suspend unilatéralement le paiement du loyer sans démontrer une impossibilité d’usage, il s’expose :
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À la mise en œuvre de la clause résolutoire par le bailleur ;
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À une action en paiement pour les arriérés de loyers ;
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Éventuellement à la résiliation du bail à ses torts.
Il est donc essentiel, avant toute décision :
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De faire constater les désordres par huissier ou expert ;
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De documenter l’impact sur l’exploitation commerciale (perte de chiffre d’affaires, fermeture partielle…) ;
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De solliciter une mise en demeure ou une injonction préalable au bailleur ;
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Et le cas échéant, de demander judiciairement l’autorisation de consignation des loyers.
⚖️ 6. Pour le bailleur : ne jamais négliger l’obligation de délivrance
La jurisprudence actuelle renforce la vigilance du bailleur : il ne peut espérer que le paiement du loyer soit inconditionnel si les locaux loués sont non conformes, non exploitables, ou affectés de désordres graves (infiltrations, non-conformité, travaux indispensables…).
Le bailleur doit :
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S’assurer que les locaux correspondent à la destination prévue au bail ;
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Obtenir les autorisations nécessaires (changement d’usage, autorisation d’exploitation, etc.) ;
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Assumer les travaux de mise en conformité, sauf clause expresse en disposant autrement.
À défaut, il s’expose à :
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Une suspension des loyers ;
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Une résiliation judiciaire du bail ;
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Voire une responsabilité pour manquement à son obligation de délivrance.
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Suspension du paiement des loyers et consignation
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