L’insuffisance des garanties légales a conduit les praticiens à inclure des garanties d’origine contractuelle dans le cadre de reprises de société par rachat de parts sociales ou d’actions. Dans ce cadre, les garanties contractuelles portent sur des éléments d’actif et de passif de la société dont les parts ou actions de la société ont été cédées, c’est pourquoi elles sont communément appelées « garantie d’actif et de passif » ou « garantie de passif ».
Quel est l’intérêt de prévoir une garantie d’actif et de passif ?
Concernant l’acquéreur : L’acquéreur de parts ou d’actions se trouve dans une situation inconfortable lors du rachat de la société : il reprend la société dans son entier et doit donc en principe prendre à sa charge tous les passifs ou les défauts d’actifs de la société même antérieur à la transaction. Or, qu’ils aient été dissimulés par le cédant ou non, ces évènements apparaissent dans la majorité des cas, plusieurs mois, voire plusieurs années après la cession
Aux termes de l’article 1626 du Code civil, le cessionnaire dispose de la garantie d’éviction de la part du cédant, et de la garantie contre les vices cachés.
Néanmoins, ces garanties ne permettent pas à l’acquéreur d’être indemnisé de la perte subie, mais seulement de faire annuler la cession, sanction qui peut s’avérer inadaptée lorsqu’elle intervient plusieurs années après le rachat.
C’est pourquoi, en pratique, il s’avère indispensable de prévoir au moment de la cession une garantie d’actif et de passif.
Cette garantie permettra à l’acquéreur de se prémunir contre l’apparition postérieure à la cession d’un évènement qui se traduirait par un accroissement du passif ou une diminution de l’actif entrainant une réduction de la situation nette de la société et par conséquent une perte que l’acquéreur aurait injustement à supporter.
Concernant le cédant : le fait d’accorder une garantie d’actif et de passif permet au cédant de sécuriser l’acquéreur et d’obtenir, en contrepartie, un prix de cession plus avantageux qu’en l’absence de garantie.
Quelles sont les différents types de garantie ?
Il existe en pratique trois types de garanties :
- La garantie d’actif et de passif indemnitaire qui garantit à la fois l’actif du bilan et du passif. En cas de diminution de l’actif ou d’augmentation du passif, la société dont les titres ont été cédés sera indemnisée par le vendeur de la variation de valeur constatée. Une clause d’ajustement peut notamment être prévue pour permettre la compensation entre la diminution et l’augmentation de certains postes ;
- La garantie d’actif et de passif avec révision du prix : l’actif et le passif du bilan sont également garantis mais l’indemnisation sera directement versée à l’acquéreur et viendra en réduction du prix de vente des titres; parallèlement, le vendeur pourra demander à l’administration fiscale un dégrèvement puisque la plus-value de cession de ses titres aura été mécaniquement réduite.
- La garantie de passif qui garantit uniquement le passif du bilan: ce type de garantie peut être retenue lorsque l’acquéreur a en sa possession sufissement d’éléments pour apprécier la valeur des actifs de la société.
Quelles sont le périmètre et l’étendue des clauses contenues dans la garantie d’actif et de passif ?
La liberté contractuelle domine en matière de garantie d’actif et de passif : le cédant concède une garantie plus ou moins importante en fonction de sa situation et de sa marge de négociation.
La garantie d’actif et de passif comporte généralement trois parties :
- une partie relative à la garantie de bilan proprement dite : cette partie comporte l’indication du périmètre des actifs et passifs garantis, la date des comptes sociaux à partir de laquelle ils sont garantis et la nature de la garantie (indemnitaire et/ou révision de prix) ;
- une partie relative aux déclarations faites par le cédant : cette partie comporte une description détaillée relative à la nature des actifs, des engagements hors bilan, des contrats passés, du personnel, des litiges existants ainsi qu’une garantie du cédant sur le respect des réglementations en vigueur et un engagement de sa part sur une gestion normale de l’entreprise entre la date de la clôture de l’exercice et la date de la cession ;
- une partie relative à l’indemnisation du préjudice et à la mise en oeuvre de la garantie où sont détaillés les points suivants :
> montant d’une éventuelle franchise, c’est à dire un montant en dessous duquel la garantie n’est pas actionnée. Le montant de la franchise dépend en pratique de la taille de la société ;
> montant d’une éventuel plafond, c’est à dire un montant au dessus duquel la garantie n’est plus actionnée. Le plafond peut être fixé à un pourcentage du prix de vente, au montant de la totalité du prix de vente ou la garantie peut être déplafonnée, c’est à dire que l’intégralité du préjudice subi sera indemnisé par le vendeur ;
> durée de la garantie ;
> modalités de mise en oeuvre de la garantie, notamment les possibilités offertes au vendeur de contester les réclamations des tiers en s’associant à la défense de la société ou en prenant la conduite du procès.
En tout état de cause, la garantie ne peut porter que sur des évènements dont le risque était prévisible par le cédant au jour de la cession.
La garantie du cédant peut également porter sur :
- la marge nette ou le chiffre d’affaire ;
- la non concurrence ;
- l’absence de cessation des paiements ;
- le respect des normes d’hygiène et d’environnement ;
- le maintien de certains contrats.
Quelles informations doivent impérativement figurer dans la garantie d’actif et de passif ?
Outre l’identité précise des parties et de la société dont les titres ont été vendus ainsi que la nature (indemnitaire ou révision de prix) et le périmètre de la garantie, la durée de la garantie doit impérativement être mentionnée. A défaut, il s’agirait d’un engagement à durée indéterminée qui pourrait être résilié à tout moment par le vendeur. La durée de la garantie est en général comprise entre trois et cinq ans, en raison du délai de prescription fiscale et sociale de trois ans dans la mesure où la garantie porte naturellement sur le passif fiscal et social.
La garantie d’actif et de passif doit obligatoirement portée sur les derniers comptes sociaux de la société ou, si la date de ceux-ci est trop éloignée de la date de la cession, sur une situation comptable arrêtée à une date la plus proche possible de la cession. Ces comptes, dénommés « Comptes de Référence », doivent être au préalable audités par l’acquéreur ou, idéalement, établis de manière contradictoires entre cédant et acquéreur de manière à limiter, en amont, autant que possible les points litigieux.
Enfin, il convient également de préciser clairement la juridiction applicable en cas de contentieux surtout lorsqu’il existe plusieurs cédants.
Comment limiter le risque de non paiement par le cédant ?
Si le contrat prévoit une clause de solidarité en présence de plusieurs cédants, l’acquéreur pourra s’adresser indifférement à celui qu’il estime être le plus solvable. L’usage est néanmoins de prévoir une désolidarisation des minoritaires, afin de faire porter l’essentiel du risque sur les associés majoritaires qui dirigeaient la société.
Surtout, afin de limiter le risque de non-paiement par le cédant, l’acquéreur a tout intérêt à solliciter de sa part l’octroi d’une garantie bancaire de type caution bancaire ou garantie à première demande. Il est également possible de prévoir qu’une partie du prix de vente sera séquestrée pendant une certaine durée, éventuellement de manière dégressive.
Est-il possible de limiter la garantie ?
Des clauses peuvent réduire le jeu d’une garantie conventionnelle en prévoyant que tous les postes d’actif ou de passif soient garantis à l’exception de certains qui sont expressément exclus.
Il peut également être stipulé qu’aucune garantie n’est due à l’exception de certains risques limitativement énumérés.
Enfin, il est possible de prévoir une absence de toute garantie en indiquant que le cédant ne donne aucune garantie contractuelle explicite ou implicite. Ce cas peut se rencontrer lorsque le cessionnaire connaît bien l’entreprise ou que l’entreprise est vendue moyennant un prix faible ou symbolique compte tenu de ses difficultés financières.
Bien que la garantie conventionnelle puisse être limitée ou exclue, l’acquéreur pourra toujours agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle en invoquant, si elles existent, des dissimulations fautives de la part du cédant. Dans ce type de situation, la difficulté consistera à prouver ces dissimulations ainsi que la faute du cédant.