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Liquidation judiciaire ouverte sur résolution d’un plan : une nouvelle procédure collective incompatible avec la résiliation du bail pour des loyers impayés postérieurs au redressement judiciaire

Cass. com., 12 juin 2025, n° 23-22.076, B
Par Benoît Favot, avocat – Negotium Avocats

Dans un arrêt publié au Bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise une articulation complexe du droit des procédures collectives : lorsque la liquidation judiciaire est ouverte à la suite de la résolution du plan de redressement, elle ne constitue pas une conversion de la procédure en cours, mais une nouvelle procédure collective. Cette qualification emporte des conséquences directes sur les droits du bailleur commercial, notamment en matière de résiliation pour défaut de paiement de loyers postérieurs à l’ouverture du redressement judiciaire.


🔍 Les faits : résiliation du bail, résolution du plan, ouverture d’une liquidation et plan de cession

Une entreprise locataire, titulaire de deux baux commerciaux, est placée en redressement judiciaire. Les bailleresses constatent ensuite le non-paiement de loyers postérieurs à ce jugement et saisissent le juge-commissaire aux fins de résiliation des baux. Deux décisions distinctes viennent constater la résiliation, contre lesquelles l’administrateur et le mandataire judiciaire forment appel.

Avant que la cour d’appel ne statue, la débitrice voit son plan de redressement résolu, et une liquidation judiciaire est prononcée le même jour. Un plan de cession, incluant les baux commerciaux, est ensuite arrêté.

La cour d’appel de Bordeaux (5 sept. 2023, n° 22/00249) constate la résiliation des baux, estimant que la débitrice restait débitrice de loyers échus postérieurement à l’ouverture du redressement. L’administrateur, le liquidateur et le cessionnaire forment alors un pourvoi.


⚖️ L’enseignement de la Cour de cassation : une nouvelle procédure fait obstacle à la résiliation pour dettes anciennes

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles L.622-27, L.641-11-1, I et II, et L.641-12, 3° du Code de commerce.

Elle juge que :

« Une liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution d’un plan de redressement constitue une nouvelle procédure collective, laquelle fait obstacle à la résiliation du bail pour des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire. »

En revanche, le bailleur conserve la possibilité de se prévaloir d’une décision de résiliation ayant acquis force de chose jugée avant le jugement d’ouverture de cette nouvelle procédure.

La haute juridiction reproche à la cour d’appel d’avoir constaté la résiliation après l’ouverture de la liquidation judiciaire, intervenue le même jour que la résolution du plan.


🧠 Les conséquences pratiques pour les bailleurs et preneurs en difficulté

Cet arrêt conforte une jurisprudence constante : la résolution d’un plan de redressement et l’ouverture subséquente d’une liquidation ne sont pas la suite logique d’une même procédure, mais bien le commencement d’une nouvelle.

La distinction n’est pas que théorique. Elle implique qu’un bailleur ne peut plus invoquer, dans la nouvelle procédure, le défaut de paiement de loyers postérieurs à l’ancienne, sauf si une décision constatant la résiliation a acquis force de chose jugée avant l’ouverture de la liquidation.


🔁 Une précision bienvenue dans un cadre juridique instable

Cet arrêt du 12 juin 2025 s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel déjà complexe concernant la date de référence pour apprécier le défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement de redressement.

On se souvient que la Cour de cassation, dans un autre arrêt rendu le 12 juin 2024 (n° 22-24.177), avait semblé remettre en cause la jurisprudence antérieure en affirmant que le juge-commissaire devait s’assurer « au jour où il statue » que les loyers restaient impayés, et non plus à la date du dépôt de la requête du bailleur. Cette lecture introduisait une insécurité juridique pour les bailleurs, et une forme de « grâce implicite » pour les débiteurs.

La décision du 12 juin 2025 revient au cœur du régime juridique de l’article L.622-14, 2° du Code de commerce, en précisant que :

  • le délai de trois mois après le jugement de redressement demeure une période de « protection » pendant laquelle le bailleur ne peut agir ;

  • mais que toute action en résiliation engagée après l’ouverture d’une nouvelle procédure est irrecevable si elle se fonde sur des loyers antérieurs.


⚖️ Une jurisprudence protectrice du redressement, mais qui complexifie la stratégie du bailleur

L’articulation des articles L.622-14, L.641-11-1 et L.641-12, 3° du Code de commerce a été pensée pour favoriser la poursuite de l’activité économique. En conditionnant la résiliation du bail à des échéances précises et en interdisant au bailleur de se prévaloir de loyers antérieurs après l’ouverture d’une nouvelle procédure, la Cour sécurise le plan de cession et préserve la valeur d’exploitation des actifs.

Néanmoins, cette approche impose au bailleur :

  • d’agir vite après l’expiration du délai de trois mois,

  • de suivre l’exécution du plan avec attention,

  • de ne pas fonder sa requête sur des loyers anciens si une nouvelle procédure collective s’est ouverte.


📌 Conclusion : Anticipation et rigueur procédurale

L’arrêt du 12 juin 2025 invite à une extrême vigilance des bailleurs et de leurs conseils. Il confirme que :

  • la résolution du plan met fin au redressement et ouvre une nouvelle procédure collective autonome ;

  • les droits procéduraux du bailleur doivent être exercés dans un cadre strictement défini ;

  • en l’absence de décision passée en force de chose jugée, le bail ne peut plus être résilié sur des faits antérieurs à la nouvelle procédure.

Dans ce contexte, la rigueur des actes, le respect des délais, et la qualité du suivi juridique sont plus que jamais des conditions de réussite pour défendre les intérêts du bailleur commercial dans un environnement mouvant.


Pour toute problématique relative à la résiliation de bail en procédure collective, le cabinet Negotium Avocats intervient aux côtés des bailleurs, preneurs et administrateurs judiciaires dans une approche experte et pragmatique.

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