L’étude de deux décisions rendues par la 3ème Chambre Civile le 8 décembre 2010
(Cass, 3ème civ. 8 dec. 2010, N°09-16.939) et le 10 novembre 2010
(Cass, 3ème civ. 10 nov 2010, N°09-15.937) permet une mise en perspective des attentes de la Haute Juridiction quant à rédaction et l’insertion d’une clause résolutoire – quasi systématiquement en pratique – dans un bail commercial.
La clause résolutoire insérée dans le contrat de bail commercial déroge au droit commun, elle doit répondre à différentes conditions exigées à peine de nullité (I), sa mise en œuvre est également très encadrée par la Cour de Cassation (II) qui s’assure méticuleusement du respect du statut d’ordre public des baux commerciaux.
- LA VALIDITE DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE
La Cour de Cassation a affirmé dans un arrêt du 8 décembre 2010 :
«…Mais attendu qu’ayant relevé que le bail prévoyait qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer à son échéance exacte ou d’exécution d’une seule des conditions du bail et quinze jours après un simple commandement de payer ou une sommation d’exécuter contenant mention de la clause resté sans effet, le bail serait résilié de plein droit, la cour d’appel, qui a retenu à bon droit que la mention dans la clause résolutoire insérée au bail d’un délai de quinze jours tenait en échec les dispositions d’ordre public de l’article L. 145-41 du Code de commerce aux termes duquel toute clause prévoyant la résiliation de plein droit ne produisait effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, en a justement déduit que, l’article L. 145-15 du même code édictant la nullité de toute clause ayant pour effet de faire échec aux dispositions de l’article L. 145-41, la clause résolutoire insérée au bail litigieux était nulle ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé »
Ainsi, la clause résolutoire doit respecter les conditions énoncées à
l’article L145-41 du code de commerce (1), au risque d’être réputée non écrite(2).
- L’énoncé des conditions de validité de la clause résolutoire
La clause résolutoire insérée dans le bail commercial est soumise au statut des baux commerciaux, à ce titre, elle est régie par des dispositions dérogeant au droit commun. La clause résolutoire de droit commun permet une remise en cause automatique des contrats par le biais d’une résiliation de plein droit, lorsque le co-contractant ne respecte pas ses prédictions.
La Haute juridiction tend à atténuer cette rigueur en matière de baux commerciaux, la clause résolutoire peut entrainer leur résiliation depuis
la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989, qui a créé l’article
L145-41 du code de commerce, dans la mesure où différentes conditions sont respectées.
Aux termes de cet article,
« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil … »
Ainsi, pour que son bail commercial soit résilié de plein droit, le bailleur qui se prévaut d’une clause résolutoire doit :
- délivrer un commandement de payer formellement établi par acte d’huissier de justice au preneur
- le commandement doit expressément informer le preneur des faits qui lui sont reprochés
- il doit indiquer que le preneur souhaite se prévaloir de la clause résolutoire insérée dans le bail et que le preneur a un mois pour s’exécuter
- la durée d’un mois dont le débiteur dispose pour se conformer à ses obligations doit être précisée : notamment le point de départ du délai
- le commandement de payer doit être demeuré infructueux durant un mois : le locataire ne doit pas s’être exécuté
- durant ce délai d’un mois : le preneur peut saisir le juge afin de suspendre les effets de la clause
En l’espèce, le bailleur n’a pas été en mesure de se prévaloir de la clause résolutoire litigieuse insérée dans le bail commercial, le bailleur a délivré un commandement au locataire d’avoir à cesser ses activités dans les 15 jours, le locataire ne respectant pas la destination des lieux.
Or, le locataire a invoqué, à bon droit, que le délai de 15 jours était non conforme aux prescriptions d’ordre public
de l’article L145-41 du code de commerce, la clause était par conséquent, nulle d’une nullité absolue.
La sanction ayant été édictée avant l’entrée en vigueur de la loi dite Pinel du 18 juin 2014, la solution ne serait plus la même à présent.
- Le non-respect des conditions de validité de la clause résolutoire après la loi Pinel
L’article L145-15 dispose que
« Sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54 ».
Ainsi, la sanction est passée de la nullité au « réputé non écrit », cette sanction est significative dans la mesure où la clause qui contrevient au statut des baux commerciaux est réputée ne jamais avoir été incluse dans le contrat. Ceci fait largement référence à la sanction instaurée par le législateur pour sanctionner le non-respect des prescriptions du droit de la consommation.
Le législateur par l’édiction de cette nouvelle sanction, tend à accroitre la protection accordée au preneur du local commercial et à renforcer le respect par le bailleur du statut des baux commerciaux.
- LA MISE EN ŒUVRE DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE
Dans l’arrêt précité en date du 10 novembre 2010
(Cass, 3ème civ. 10 nov 2010, N°09-15.937), la 3
ème Chambre Civile a déterminé que nonobstant la validité de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial, sa mise en œuvre peut être remise en cause à postériori par les juges :
«… Attendu que pour déclarer acquise la clause résolutoire et constater la résiliation du bail, l’arrêt retient qu’à la suite du commandement délivré le 17 janvier 2006 et visant la clause résolutoire, la société Stock Plus n’a pas déféré aux causes du commandement ; Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme le lui demandait la société Stock Plus qui soutenait que la bailleresse avait entendu faire cesser une exploitation concurrente d’un commerce que cette dernière possédait par ailleurs, si la clause résolutoire n’avait pas été mise en œuvre de mauvaise foi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE (…) ».
Ainsi, malgré la faute du locataire (1) et l’acquisition de la clause résolutoire au bénéfice du bailleur, sa mise en œuvre est illicite si le bailleur ne respecte pas l’exigence de bonne foi qui incombe à tout cocontractant (2).
- La faute contractuelle du preneur justifie la mise en œuvre de la clause résolutoire
Il appartient au bailleur de déterminer que le locataire a contrevenu aux clauses du bail commercial, en l’espèce, le locataire n’avait pas respecté les dispositions du bail en ne procédant pas au paiement de la fraction que représentait l’augmentation du loyer par application de la clause d’échelle mobile.
Une question intéressante était également soulevée dans cet arrêt, à savoir, si la clause résolutoire pouvait être mise en oeuvre relativement à cette seule fraction du loyer.
La Haute juridiction a rejeté le pourvoi considérant que dès lors que la Cour d’Appel avait relevé que
« le bail comportait une clause d’échelle mobile qui prévoyait la révision triennale automatique du loyer, par référence à l’indice national du coût de la construction, elle avait pu en déduire que le commandement de payer visait valablement un rappel de loyer résultant de l’application de la clause d’échelle mobile. »
La clause d’indexation permet une modification automatique du loyer aux dates d’échéances préalablement fixées, ainsi, il n’est pas nécessaire de recourir à un formalisme particulier ou à l’intervention judiciaire pour procéder à cette modification.
Le bailleur a donc la possibilité de délivrer un commandement de payer pour le nouveau loyer en cas de non-respect de ses obligations par le locataire, sans avoir à notifier au préalable une demande de révision du loyer.
De plus, il a déjà été dit dans un précédant article que le bailleur qui omet pendant plusieurs années de procéder à la facturation de l’indexation du loyer, ne renonce pas pour autant tacitement à la facturer l’indexation.
Néanmoins le bailleur ne peut être admis à mettre en jeu la clause résolutoire du bail commercial en en détournant le but.
- Le bailleur de mauvaise foi ne peut se prévaloir de la clause résolutoire
Le bailleur doit invoquer la clause résolutoire de bonne foi, les juridictions doivent rechercher qu’elle était l’intention du bailleur qui se prévaut de cette clause.
Le preneur devra établir que le commandement de payer visant la clause a été utilisé de façon abusive par le bailleur. L’intention abusive est reconnue par les juridictions lorsque le bailleur a mise en demeure le locataire dans un esprit de vengeance, ou dans des conditions telles que le locataire se trouvait dans l’impossibilité manifeste de s’effectuer ce qui lui était demandé dans les délais impartis
(CA Paris 26 janv 1982, Loyers et copr. 1982, com n°142).
La mauvaise foi a également été retenue en l’espèce dans la mesure où la bailleresse a entendu faire cesser l’exploitation concurrente que la qu’elle possédait par ailleurs, à l’aide de la clause résolutoire. La bailleresse visait ainsi le défaut de paiement du preneur dans son commandement de payer, entendant ainsi détourner la clause à son profit.
Ainsi, le bailleur qui souhaite mettre en œuvre la clause résolutoire du bail commercial devra s’assurer que les motifs invoqués dans le commandement de payer sont bien ceux qui animent réellement sa mise en œuvre, au risque de voir par la suite privée de tout effet.