TVA et bail commercial : le bailleur doit restituer les loyers indûment majorés de la taxe en l’absence d’option expresse
Par le cabinet Negotium Avocats – Avocat bail commercial Mis à jour le 28 mai 2025Introduction
Par un arrêt du 12 septembre 2024 (n° 23-11.661), la Cour de cassation confirme que le bailleur de locaux commerciaux ne peut facturer de TVA sur les loyers qu’à la condition d’avoir opté formellement pour cet assujettissement. À défaut, les sommes perçues doivent être remboursées au locataire. Cette décision soulève d’importants enjeux pratiques en matière de bail commercial et de fiscalité immobilière.I. TVA et bail commercial : cadre juridique
1. L’exonération de principe des loyers
L’article 261 D, 2° du Code général des impôts pose le principe : la location de locaux nus à usage professionnel est exonérée de TVA.2. L’option pour l’assujettissement
L’article 260 du CGI permet au bailleur d’opter pour l’assujettissement à la TVA. Cette option est possible uniquement :- Si les locaux sont loués pour l’activité d’un preneur assujetti à la TVA ;
- Et si le bailleur a formalisé l’option par une déclaration auprès du SIE.
3. Une déclaration expresse obligatoire
L’option à la TVA ne peut pas résulter de la seule facturation ou déclaration de TVA. Elle doit être faite par écrit, comme le rappelle l’article 194 de l’annexe II au CGI. Elle prend effet le 1er jour du mois de déclaration.II. Faits de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2024
Une SCI donne à bail deux locaux commerciaux à usage de pharmacie. Le bail ne mentionne pas de clause d’assujettissement à la TVA, mais les quittances adressées au locataire incluent pourtant la taxe. Le locataire saisit la justice pour obtenir le remboursement de la TVA versée entre août 2012 et juin 2017. La cour d’appel de Toulouse condamne le bailleur. Ce dernier forme un pourvoi en cassation.III. La solution de la Cour de cassation
1. Application de la répétition de l’indu
La Cour de cassation confirme la décision d’appel : en l’absence de justification d’une option à la TVA, le bailleur doit restituer les sommes perçues à ce titre. Elle s’appuie sur les anciens articles 1235 et 1376 du Code civil (devenus les articles 1302 et suivants).2. Indépendance par rapport à la situation fiscale du preneur
Le fait que le locataire ait déduit la TVA dans ses déclarations ou n’ait subi qu’un redressement partiel est sans incidence. Le fondement de l’obligation de restitution est purement civil, et non fiscal.IV. Conditions cumulatives pour pouvoir facturer la TVA
1. Une option formelle auprès de l’administration
Le bailleur doit adresser une déclaration d’option au service des impôts. Ce formalisme est indispensable pour rendre l’option effective.2. Une clause explicite dans le bail commercial
Même si l’option a été exercée, elle ne peut produire d’effet à l’égard du locataire que si le bail mentionne clairement que le loyer est assujetti à la TVA.Exemple de clause conforme
« Le loyer est stipulé hors taxes. Il sera assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur. Le preneur s’engage à en régler le montant en sus du loyer principal. »
V. Conséquences pratiques pour les parties
1. Pour les bailleurs
- Formaliser l’option par écrit et la notifier au SIE ;
- Prévoir une clause spécifique dans chaque contrat de bail ;
- Ne jamais facturer de TVA sans avoir satisfait à ces deux exigences.
2. Pour les locataires
- Vérifier l’assujettissement réel du bailleur avant d’accepter de payer la TVA ;
- Contester toute facturation de TVA non justifiée ;
- Exercer une action en restitution dans un délai de 5 ans (prescription quinquennale).
VI. Jurisprudence concordante
- CAA Lyon, 3 mars 2022, n° 20LY00299 : absence d’option = absence de droit à facturation.
- CA Rennes, 11 mai 2022, n° 18/07816 : aveu judiciaire du bailleur = pas de droit à TVA.
- CE, 21 décembre 2023, n° 474042 : effet non rétroactif de l’option.
- CA Paris, 27 juin 2024, n° 21/08087 : la mention au bail est un préalable nécessaire.