Renouvellement du bail commercial : l’acceptation du principe ne fait pas obstacle au droit d’option du preneur
Cass. 3e civ., 27 février 2025, n° 23-21.257
La Cour de cassation confirme une jurisprudence constante : le locataire commercial reste libre d’exercer son droit d’option, y compris après avoir accepté le principe du renouvellement du bail, dès lors qu’aucun accord définitif n’est intervenu sur les conditions financières du bail renouvelé. L’acceptation du principe du renouvellement ne constitue pas en soi un obstacle à la faculté pour le preneur de renoncer au renouvellement tant qu’il agit dans le délai légal.
Les faits :
En 2007, un bail commercial est consenti à une société locataire, avec une société distincte se portant caution solidaire. À la suite d’une opération de transmission universelle de patrimoine, cette caution est absorbée par son associé unique, à savoir le locataire lui-même.
Par acte du 23 juillet 2018, le bailleur délivre congé avec offre de renouvellement à effet du 1er février 2019, en proposant une hausse significative du loyer. Le preneur refuse cette proposition financière par courriers des 27 juillet 2018 et 8 janvier 2019.
Le 19 mars 2019, le bailleur signifie un mémoire préalable de fixation judiciaire du loyer renouvelé. Le 29 mars, le locataire donne congé par acte extrajudiciaire, puis exerce formellement son droit d’option par courrier recommandé en date du 8 avril 2019, avant de libérer les lieux à la date convenue du 30 septembre 2019.
Soutenant que le bail avait été renouvelé de plein droit à compter du 1er février 2019, et estimant que l’exercice du droit d’option du locataire constituait un abus de droit destiné à différer son départ, le bailleur assigne le preneur et la caution solidaire en paiement des loyers dus jusqu’au terme de la période triennale, ainsi qu’en indemnisation de divers manquements locatifs.
La décision :
La cour d’appel rejette la demande du bailleur, considérant que le droit d’option avait été valablement exercé. La Cour de cassation approuve cette décision.
Elle rappelle que le seul fait pour le locataire d’avoir accepté le principe du renouvellement du bail ne vaut pas acceptation des conditions proposées, notamment en matière de loyer, et ne fait pas obstacle à l’exercice du droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du Code de commerce.
Elle souligne que :
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le locataire avait exprimé un refus clair et réitéré des conditions financières proposées par le bailleur ;
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aucun accord n’avait été formalisé entre les parties sur les éléments essentiels du renouvellement ;
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le preneur avait informé le bailleur à plusieurs reprises de son intention de quitter les lieux à défaut d’accord, ce qu’il a concrétisé par l’exercice de son droit d’option et la libération effective des locaux.
En conséquence, l’abus de droit invoqué par le bailleur n’était pas caractérisé, et le renouvellement ne pouvait être considéré comme effectif. Le pourvoi est rejeté.
Analyse :
Cette décision confirme une jurisprudence bien établie, déjà illustrée par des arrêts d’appel (notamment CA Orléans, 13 oct. 2016, n° 15/01931 ; CA Lyon, 11 oct. 1995) : tant que le montant du loyer du bail renouvelé n’est pas fixé par accord amiable ou décision de justice définitive, le preneur peut renoncer au renouvellement.
En effet, l’article L. 145-57 du Code de commerce prévoit que le locataire dispose d’un délai d’un mois suivant la décision judiciaire fixant le prix du bail renouvelé pour faire connaître son refus du renouvellement. Cette prérogative est d’ordre public : elle participe du libre consentement du preneur à s’engager pour une nouvelle période.
Le fait pour le locataire d’avoir, à un moment donné, manifesté une volonté de rester dans les lieux ne suffit pas à caractériser une acceptation ferme du renouvellement. En l’absence d’accord définitif sur le loyer ou de décision judiciaire, il conserve sa liberté de se rétracter.
Quant à l’abus de droit, la Cour en rappelle les conditions strictes. Le comportement du preneur, même s’il est motivé par des considérations pratiques ou stratégiques (attendre la fin de l’année scolaire, trouver un nouveau local…), ne devient fautif que s’il s’inscrit dans une manœuvre frauduleuse, ce qui n’était pas démontré en l’espèce.
À retenir pour les praticiens :
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Le droit d’option du preneur est préservé tant que le loyer du bail renouvelé n’est pas définitivement fixé.
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L’acceptation du renouvellement ne vaut pas renonciation au droit d’option si les conditions financières ne sont pas acceptées.
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L’abus de droit suppose un comportement déloyal manifeste, qui ne peut se déduire d’une stratégie d’occupation temporaire des lieux.
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